- Hum, t'as une sale tête, ça va pas toi ?
- ...
- A ce point ?
- Non, je crois pas.
- Qu'est-ce qui t'arrives ?
- Je me rends compte que je ne vis pas dans le même monde que vous.
- Bah, c'est pas plus mal.
- Si c'est mal, c'est même très mal.
- Pourquoi ça ?
- Parce que, tu vois, dans mon monde, y'a de grandes espérances, partout, pour n'importe quoi, même si je fais croire qu'en fait elles sont toutes petites.
- En quoi c'est mal ?
- C'est mal parce que la vie c'est pas ça. C'est pas ce que j'espère, la vie c'est moche, la réalité est dure et ça fait un choque quand on s'en appercoit...
- ...
- Je sais pas quoi faire de cette merde... De cette merde qu'est ma vie... J'attends toujours des choses merveilleuses et finalement y'a rien qui m'arrive... Je sais que j'ai quelque chose, je sais que j'ai un don pour quelque chose, pour plusieurs choses même, mais je sais pas comment faire pour exploiter tout ça, je sais pas comment faire pour faire en sorte que ce soit encore plus beau ce que je fais, parce que je sais que je suis pas au maximum, mais ça non plus, je sais comment faire pour le faire évoluer... Et puis j'ai tellement d'amour dans le coeur que ça déborde et ça finit par me donner la nausée... C'est moche d'espérer.
Puis j'ai pleuré, un peu, puis encore et je me suis assise et j'ai pleurer fort. J'avais ces larmes sur mon visage et ses traits qui se crispaient de plus en plus. On aurait dit de la rage, c'était de la douleur. J'avais mal, mal à en crever.
Je me suis allongée sur le sol, recroquevillée sur moi-même, la tête sur le tapis devant mon lit, mon corps tremblait. J'ai pleuré comme je n'avais plus pleurer depuis longtemps... de toute mes forces. Je gémissais, mes mains se crispait sur ce qu'elles avaient attrapé, j'en ai encore mal à la paumette droite, mais les ongles n'ont pas fait de traces. Je sentais mes yeux se gonfler de trop les forcer, de trop de douleur. Si ça n'avait pas été moi, si je n'avais pas été dans la pièce à côté de ma mère, si j'avais été seule, j'aurais crié. Juste de petit cris, ceux qui restent enfouis tout le temps, même quand je pleure, car je pleure en silence. Ils voulaient sortir mais se transformaient en gémissements, en misérable gémissements.
J'avais honte de ne pas pouvoir m'exprimer sans me demander ce qu'on en penserait même dans un moment pareil.
Je me suis allongée sur le dos, mon corps subissait des soubresauts et cette rage à l'intérieur, cette violente douleur.
Après il n'y eu plus rien
Mon vernis noir est écaillé.