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[VII]
Chaque jour

Nous nous étions couchées tôt, nous avions fait l’amour et nous nous étions endormies. Vers trois heures du matin j’avais ouvert les yeux en grand, impossible, après, de me rendormir ; elle se réveilla une vingtaine de minutes plus tard frappée du même mal. J’avais allumé la lampe de chevet, nous ne disions rien. Je me levai pour regarder, à travers la fenêtre, la rue et la ville tout entière endormie, les draps se froissèrent et mon regard se posa sur elle. Elle s’était mise sur le ventre, de ses pieds elle repoussait en arrière le drap qui la couvrait, elle dégagea tout son dos et s’arrêta lorsque la naissance de ses reins fut visible. De sa main tendue, elle attrapa sur ma table de chevet un des trois livres qui y reposaient, c’était celui qui contenait des histoires courtes d’un auteur japonais. Elle le posa à côté du cousin, ouvert, et posa sa tête sur l’oreiller. Si ce livre n’avait pas été là, on aurait juré qu’elle dormait.
Ses cheveux, nouvellement roux, semblaient s’étendre lascivement sur son dos, comme profitant d’une chance qui serait sans doute très éphémère. Etait-ce la chance de pouvoir être là, sans être rejeter sur le côté de sa tête par cette femme qui traitait ses cheveux comme s’ils étaient un poids sur ses épaules, ou alors, était-ce que ces longs cheveux ondulés profitaient de cette chance, de cet honneur, de pouvoir caresser, chatouiller à leur guise ce dos lisse ? Demain, elle les enroulera, les nattera, les jettera sur ses épaules, les replacera nonchalamment, sur son dos, mais ce soir, elle les laissait profiter. Ce matin, ils avaient été colorés, lavés, soignés, peignés puis sécher avec soin et, qui plus est, par une autre personne.
Je reportai mon attention sur la fenêtre en souriant, chez le coiffeur, elle n’avait pas été très commode :
- Du roux ? Avait-il répété après elle. Vous avez la peau pâle déjà, du roux accentuerait encore ceci.
- Moi, ça me plait. Avait-elle répondu, amusée.
Mais ce brave jeune homme avait insisté.
- Ce sont mes cheveux, avait-elle rétorqué alors qu'il avait encore insisté, ma peau, ma vie et surtout, mon choix. Je vous demande du roux, si vous ne voulez pas me le faire, ce n’est pas grave… Le jeune homme avait soudain repris espoir. J’irai alors chez un autre coiffeur. Avait-elle conclu.
L’assistance avait parut effarée, il n’était guère de coutume de voir une telle scène chez un coiffeur, le jeune homme, quant à lui, parut dépité, résigné, il lui assura qu’il ferait selon ses convenances et promis même de ne pas essayer de la convaincre encore. L’assistance murmura, mais ma belle n’en démordait pas, je comprenais tout de même ces femmes assises près d’elle : il n’y a guère d’autre endroit où une femme soit si docile que chez un coiffeur. C’était, en général, le seul lieu où une personne, et à plus forte raison, un homme, pouvait nous dire ce qui nous irait mieux, en dépit de toutes les idées que nous avions eu nous-même avant de passer cette porte et la clochette au-dessus d’elle. Mais c’était sans compter le caractère de cette jeune femme ravissante qui était allongée à deux pas de moi, elle n’aimait pas se soumettre aux autres et jamais personne n’avait pu lui faire faire quelque chose qu’elle n’avait pas envie de faire.

Ce qu’il y avait de bien, avec le livre qu’elle lisait c’est que certaines histoires étaient vraiment très courtes. Une vingtaine de minutes après l’avoir prit, elle referma le livre. Moi, je m’étais assise sur une chaise, près du lit, je la regardais, ou plutôt, j’admirais les formes appétissantes de ses seins écrasés sous son corps. Elle se posa un moment plus confortablement qu’elle ne l’était pour lire, puis elle se retourna. Une pause encore, puis elle s’assit au bord du lit, elle me regarda, puis posa son regard sur le bout du lit où gisaient nos peignoirs. Elle saisit le sien, me tendit le mien, se leva et noua le nœud de sa ceinture alors que j’enfilais le mien.
- Tu as faim ? Murmurai-je presque.
Elle sourit. Il n’était pas rare qu’après avoir fait l’amour, elle ressente une petite faim. Je ne ressentais pas la même chose, mais j’aimais l’accompagner, ces petites fringales nocturnes avaient quelque chose de très amusant, surtout quand elle ne faisait aucune manière pour manger et que sa gloutonnerie nous menait à une de ces relations “sexo-alimentaires”, comme elle avait nommé ceci. Je la suivis donc dans la cuisine et m’installai contre la table de travail pendant qu’elle regardait alternativement dans le frigo, puis dans l’armoire à gâteau, dans le congélateur, puis se reporta de nouveau au frigo et finit sa course devant l’armoire à gâteau. Elle ressortit de là, une poignée de Fingers dans la main, elle se lança presque sur le frigo et ouvrit l’étagère à vaisselle d’un même geste. Dans sa main droite, du jus d’orange, dans la gauche, une tasse, elle répétait les mêmes gestes tous les matins, sans doute pouvait-elle le faire les yeux fermés. De retour dans la chambre, nous nous installâmes toutes les deux dans le lit, la tasse sur sa table de chevet, elle s’assit, le corps a moitié sous les couvertures. Elle se mit simplement à manger ses gâteaux sans dire mots. Je m’étais installée près d’elle, légèrement en biais pour pouvoir la regarder. Combien de temps cela dura, je ne sais pas, j’aurais pu la regarder pendant des heures et elle… Elle s’amusait à être ma Muse ! Elle faisait de petites moues, de ces mimiques enfantines, ou essayait de se rendre encore plus sexy, elle essayait de faire l’indifférente, ou essayait de me séduire en imitant les gestes lents et sensuels d’un film romantique. Ce soir, c’était l’enfant, le candide qui feignait de ne pas savoir que je l’observais. Elle coupait ses gâteaux en deux et me tendait l’autre moitié. Sa main semblait se détacher du personnage qu’elle me jouait, nette et précise, elle savait que mes lèvres n’étaient pas très loin et ne les manquait jamais. Ma bouche se resserrait sur le gâteau et ne manquait jamais de prendre au passage les bouts de ses doigts qu’elle m’offrait. Chaque fois, elle reportait ensuite ses doigts à sa propre bouche comme si j’y avais laissé du chocolat et qu’il ne faille absolument pas laisser passer cela. Il finit par n’y avoir plus que deux gâteaux, j’en pris un pour moi et elle attrapa la tasse de jus d’orange, elle prit le dernier et quand elle eut fini de l’avaler, elle trempa son doigt dans la tasse. Elle laissa échapper une goutte sur ses lèvres et sourit, je la soupçonnais d’avoir trouver un nouveau jeu et j’en fus convaincue quand elle réitéra le même geste trois fois de suite. Elle reporta encore son doigt dans la tasse, mais n’amena pas la goutte à ses lèvres mais aux miennes. Elle fit glisser son doigt sur ma lèvre du bas, du bout de ma langue je le caressai. Elle me regardait avec passion, j’étais devenue l’enfant et elle observait l’ingénue dans tous ses mouvements.
Il n’y eut aucun échange plus passionnés que ceux-là, elle avait finit par boire le jus d’orange, m’en avait donné la moitié et nous nous étions recouchées, l’une en face de l’autre, la lumière encore allumée. Elle replaçait sans cesse ma frange qui était trop petite pour se coincer derrière mon oreille, mais elle n’en démordait pas, elle parviendrait à la tenir à distance de mes yeux. Elle caressait mon visage et mes lèvres, elle cherchait dans mes yeux la réponse à cette question que les siens me posait. « Oui » disaient les miens et elle souriait. Bien sûre que oui, de tout mon corps, de toute cette âme qu’elle avait attrapée, ensorcelée, plus fort que tout le monde entier, oui, je l’aimais.
Dans ce silence que nous partagions, le temps semblait s’être arrêté. Elle avait le don de produire en moi toute perte de notion temporelle et spatiale et ce que j’affectionnais le plus, c’est que cette folie, nous la vivions chaque jour, à chaque instant.
- Je t’aime tous les jours. Murmura –t-elle, puis elle tendit le bras en arrière et éteignit la lumière.